Redéfinition de la voie de fait
Saisi par la Cour de cassation d'un litige opposant Electricité réseau distribution de France (ERDF) au propriétaire d'un terrain sur lequel un poteau électrique avait été implanté sans titre, le Tribunal des conflits procède à une redéfinition de la voie de fait.
Dans son arrêt du 17 juin 2013, celui-ci énonce en effet «qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative» (TC, 17 juin 2013, Bergoend c/ Sté ERDF Annecy Léman : req. n°3911 ; AJDA 2013, p. 1245).
La juridiction paritaire ajoute «que l'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration». En l'absence de voie de fait, le litige ressortit donc à la compétence de la juridiction administrative.
La voie de fait, consistant jusqu'alors en «une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale» (V., par exemple : TC, 23 mai 2005, Haut-commissaire de la République en Polynésie française : req. n°3452, AJDA 2005, p. 1151) est ainsi redéfinie : il n'y a plus désormais voie de fait, justifiant la compétence exclusive des juridictions de l'ordre judiciaire, qu'en présence d'une «atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété».
Renvoyant aux fonctions traditionnelles du juge judiciaire, cet arrêt délimite de manière plus stricte la compétence de ce dernier, tandis que le juge administratif statuant en référé-liberté (article L. 521-2 du code de justice administrative) est chargé de mettre fin à une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Récemment, ce dernier s'était même reconnu compétent pour statuer alors qu'une voie de fait était constituée (CE ord., 23 janvier 2013, Commune de Chirongui : req. n°365262 ; AJDA 2013, p. 788).
Tribunal des Conflits, , 17/06/2013, C3911, Publié au recueil Lebon