L'apport de la décision département du Tarn-et-Garonne au contentieux des contrats administratifs
Durant très longtemps, les tiers n’avaient pas accès au juge administratif du contrat. Ils ne pouvaient, en application de la jurisprudence Martin de 1905 (CE, 4 août 1905, Martin : req. n°14220), que demander au juge de l’excès de pouvoir l’annulation des actes détachables du contrat préalables à sa conclusion (par exemple : autorisation de l’assemblée délibérante donnée à l’exécutif de signer le contrat, décision de l’exécutif de signer le contrat etc.). Pour autant, l’annulation éventuelle de cet acte était alors sans incidence sur le sort du contrat lui-même. Encore fallait-il en effet que le tiers obtenant l’annulation de l’acte détachable demande ensuite au juge de l’exécution d’ordonner à l’administration de saisir le juge du contrat afin que celui-ci en prononce l’annulation. Le processus était donc particulièrement long et complexe.
Avec la jurisprudence Tropic Travaux (CE Ass., 16 juil. 2007, Sté Tropic travaux signalisation : req. n°291545), certains tiers - les concurrents évincés de la procédure de passation - ont obtenu un accès direct au juge du contrat, auquel ils peuvent non seulement demander l’annulation ou la résiliation du contrat, mais également solliciter l’allocation de dommages-intérêts.
En revanche, pour les autres tiers subsistait la seule voie du recours contre l’acte détachable.
La décision Département de Tarn-et-Garonne (CE, 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne : req. n°358994) met fin à la jurisprudence Martin qui demeurait applicable à ces autres tiers n’ayant pas la qualité de concurrent évincé. Dorénavant, les tiers, quels qu’ils soient, ne pourront plus contester les actes détachables mais seulement le contrat lui-même, par la voie du recours dit Tropic Travaux.
Aucune des catégories de tiers qui avaient accès au contentieux de l’acte détachable ne sera exclue, par principe, de ce recours en contestation de la validité du contrat. En revanche, le Conseil d’État a, dans le cadre de la décision Département de Tarn-et-Garonne prévu un double filtre. En premier lieu, au stade de l’intérêt à agir, il faudra que le tiers se prévale d’un intérêt lésé de façon suffisamment directe et certaine. En second lieu, les tiers ne pourront invoquer que des irrégularités affectant la procédure de passation du contrat en rapport direct avec l’intérêt lésé invoqué.
Conseil d'État, Assemblée, 04/04/2014, 358994, Publié au recueil Lebon